En moins de 24 heures, le Canadien Denny Morrison est passé de spectateur à médaillé d’argent au 1000 m de patinage de vitesse sur longue piste. Substitut de luxe, le Canadien de 28 ans devait regarder les prouesses de ses coéquipiers à l’Aréna Adler, mercredi, à Sotchi.
L’abnégation de son coéquipier Gilmore Junio lui a toutefois permis de prendre le départ, une occasion qu’il a brillamment saisie pour faire honneur au sacrifice de son ami.
Morrison a réalisé le 2e temps de la journée avec un chrono de 1 min 8 s et 43/100, à seulement 4 centièmes de seconde du nouveau champion olympique, le Néerlandais Stefan Groothuis (1:08,39). Ce dernier a ainsi détrôné le champion de Vancouver (2010) et de Turin (2006), l’Américain Shani Davis, qui a dû se contenter du 8e rang.
Davis n’a été que l’ombre du champion qu’il a été. Son temps de 1:09,12 est loin de son record du monde (1:06,42) établi à Salt Lake City en 2009. À sa décharge, plusieurs patineurs se sont plaints de la lenteur de la piste, ce qui peut expliquer les chronos loin des temps de référence internationaux.
Le Néerlandais Michel Mulder a complété le trio de médaillés grâce à un temps de 1:08,74.
«Un grand geste»
Morrison ne devait même pas participer à la course, puisqu’il n’était pas qualifié pour l’épreuve. C'est son coéquipier Gilmore Junio qui a décidé de lui céder sa place pour l’épreuve Il estimait que ce dernier était le meilleur patineur canadien sur cette distance.
Le vétéran Morrison doit ainsi une partie de sa première médaille olympique individuelle à la grandeur d'âme de son coéquipier. «C’est incroyable!, s’est exclamé Morrison en entrevue au réseau CBC. Gilmore m’a cédé sa place dans le but de me donner l’occasion de remporter une médaille. J’ai donné tout ce que j’avais. C’est dans le plus pur esprit olympique canadien, la fierté canadienne, c’est ce qu’il y a de plus formidable dans l’esprit d’équipe.»
À ses côtés, l’auteur du grand geste goûtait au succès de son ami et exultait comme s'il était le sien. «Je l’ai prédit, c’est formidable d’être un prophète, a plaisanté Junio. Tout le mérite lui revient, c’est lui qui a réalisé l’exploit. C’est maintenant une très belle histoire.»
Une saison marquée par de nombreuses blessures a privé Morrison d’une qualification au 1000 m. «Ça a été une saison difficile. [Cette médaille] je la dois à tous ceux qui m’ont appuyé, mais surtout à mon incroyable coéquipier [qui a fait] un grand geste, a poursuivi Morrison en étreignant Junio. Les thérapeutes, les entraîneurs, tout le monde a joué un rôle dans la conquête de cette médaille. Je suis heureux de la partager avec toute l’équipe, mais surtout avec ce gars-là,» a-t-il continué en donnant une claque amicale sur l’épaule de Junio.
«Ça fait 4 ans qu’on s’entraîne ensemble, a poursuivi Junio. C’est notre jour de paie.»
Ce dernier a vécu la course par procuration en regardant son ami depuis les estrades où il a dépensé autant d’énergie que s’il avait été sur la piste. «Je tentais de me contenir, mais je tremblais», a-t-il confié avec un large sourire. «Je respirais fort et j’ai pratiquement perdu la voix à force de l’encourager. Ça valait vraiment la peine.»
Baptême olympique réussi
Le jeune Canadien Vincent De Haitre, qui de son propre aveu visait les Jeux olympiques de 2018, a affronté le Russe Denis Yuskov – champion du monde en titre du 1000m – pour son baptême olympique. De Haitre, 19 ans, a réalisé une bonne performance en s’appropriant le troisième rang provisoire. Il s’est ainsi maintenu dans les hauteurs du classement provisoire jusqu’à l’entrée en scène des grands de la discipline à compter de la 13e paires de patineurs.
Après un premier tour de piste de 25,58 s, De Haître a ralenti dans le deuxième 500 m (27 s 12/100). Son temps de 1:10,040 lui a quand même valu une 20e place. De Haître a ainsi réussi son entrée aux Jeux olympiques. L’athlète d’Ottawa, qui excelle également en cyclisme sur la scène internationale, a «beaucoup de potentiel», selon l’analyste et ancien athlète Gaétan Boucher.
William Dutton, un autre Canadien, a pris le 26e rang avec un chrono de 1:10,61. Hochant la tête de gauche à droite après avoir franchi le fil d’arrivée, le Canadien de 24 ans était visiblement insatisfait de sa prestation.
Le dernier Canadien inscrit à l’épreuve, Muncef Ouardi, en est également à ses premiers Jeux olympiques, à 27 ans. Le patineur de Québec a terminé en 32e place avec un temps 1:11,07.